Le bon déroulement des «partys de bureau» est l’affaire de tous

MONTRÉAL — À l’approche de Noël, c’est le temps des traditionnels «partys de bureau».

Le bon déroulement de ces rencontres festives entre collègues est l’affaire de tous. Autant les patrons que les employés doivent adopter un comportement approprié pour éviter des débordements, souligne Geneviève Beaudin, une avocate spécialisée en droit du travail et de l’emploi.

«Les droits et les obligations de l’employeur et du salarié se transposent à la fête. Qu’elle soit sur le lieu de travail ou à l’extérieur, les mêmes règles s’appliquent dans la mesure que c’est organisé par l’employeur. C’est la réalité légale», explique-t-elle.

Pour l’employeur, cela se traduit, par exemple, par l’obligation de maintenir un environnement sain et sécuritaire. Cela allait de soi aussi dans le passé, mais c’est inscrit officiellement dans la loi depuis cette année. Le gouvernement du Québec a effectivement adopté le 4 mars dernier le projet de loi 42 pour protéger davantage les salariés contre le harcèlement psychologique et la violence à caractère sexuel.

«Certaines obligations en matière de harcèlement psychologique sont entrées en vigueur tout récemment, le 27 septembre dernier. La politique de harcèlement psychologique doit maintenant préciser qu’elle s’applique à des activités sociales liées au travail, comme les partys de bureau, justement. C’est tout nouveau», indique Mme Beaudin, associée au cabinet d’avocats Lavery, à Montréal.

Les règles de conduite à respecter doivent également être détaillées. «Il faut bien expliquer et communiquer les attentes. C’est bon de faire un rappel avant, ça peut même être dans l’invitation à l’événement. Ça aide à diminuer les risques.»

Peu importe le contexte, les droits et obligations de chacun des employés restent les mêmes.

«Sa dignité doit être protégée. Ses droits doivent être maintenus, mais il y a aussi comme corollaire que toutes ses obligations en matière de civilité dans le milieu de travail se poursuivent à la fête, comme ne pas mettre en danger la sécurité de ses collègues, ne pas tenir de propos offensants et ne pas avoir de contacts physiques ou sexuels non désirés.»

En cas de dérapage, l’employeur peut sévir. «Même si on est dans une fête à l’extérieur du lieu de travail, s’il y a des événements qui ne correspondent pas à ses politiques et à ses attentes envers ses employés, il peut imposer des mesures disciplinaires.»

L’enjeu de l’alcool

Forte de sa longue expérience, Mme Beaudin en est venue à identifier des moyens de diminuer les risques d’actes répréhensibles. Selon elle, le plus important est de choisir la formule adéquate.

«On entend beaucoup les employeurs dire que ça dérape souvent dans les partys de Noël et qu’ils ne savent pas trop quoi faire. Le premier conseil est d’effectuer un exercice de rétrospection. Si ça fait trois ans que l’employeur organise un party et que ça dérape, il faut qu’il se demande ce qu’il pourrait faire de mieux la prochaine fois.»

Elle précise cependant que «ça se passe très bien pour la plupart des entreprises, ce n’est pas problématique dans tous les cas».

Pour augmenter les chances de succès, Mme Beaudin suggère que les festivités se déroulent sur le lieu de travail.

«Il y a moins un sentiment de laisser-aller. On se dit: « parce que je suis dans l’entreprise, l’employeur s’attend à ce que je respecte les règles, alors je vais me retenir un peu ». Ça peut donc être intéressant que ce soit dans l’entreprise plutôt que dans un hôtel un samedi soir.»

Elle propose également de tenir à la place un dîner de Noël ou une activité de groupe.

«Peut-être que le problème chaque année, c’est que les gens boivent trop, alors on va se pencher sur les problèmes de consommation excessive. Bref, il faut trouver la bonne formule pour son entreprise.»

Cette experte recommande de limiter la consommation d’alcool, puisqu’«il y a souvent beaucoup d’alcool qui circule lorsque de mauvais comportements se produisent dans des fêtes entre collègues».

«L’employeur devrait donc prévoir, par exemple, des boissons non alcoolisées. En plus, c’est à la mode ces temps-ci. Il y a aussi des tickets modérateurs que les employeurs peuvent utiliser. On limite de cette façon la consommation.»

Prêcher par l’exemple

La modération est encore plus de mise pour les gestionnaires.

«Pour eux, la première chose est de donner l’exemple. Si c’est le patron qui est chaud et qui a des comportements inappropriés, ça donne le ton à la soirée. Ils devraient être sur place et assurer une certaine surveillance. Comme c’est un événement organisé par l’employeur, le gestionnaire continue de porter son chapeau de gestionnaire.»

Elle ajoute que «l’objectif n’est pas de faire la police, mais d’être présent, de faire le tour pour s’assurer que tout se passe bien et d’intervenir au besoin».

«S’il voit qu’il y a quelque chose d’inapproprié, il faut qu’il agisse sur-le-champ. S’il était intervenu dans son milieu de travail, il devrait intervenir là aussi.»

En général, Mme Beaudin observe qu’«il y a une plus grande prise de conscience collective des dérapages potentiels, c’est une belle évolution et c’est tant mieux».

«Avant, les gens pensaient que tout était permis. Ils ne voyaient pas que, comme c’est un événement organisé par l’employeur, le même cadre et les mêmes attentes devraient s’appliquer.»