Des textos incriminants révélés au procès pour trafic d’êtres humains à la frontière

FERGUS FALLS — Les jurés au procès de deux hommes accusés aux États-Unis de trafic d’êtres humains ont pu examiner mercredi des textos qui, selon la poursuite, prouvent qu’ils ont conspiré pour faire passer des personnes en douce à la frontière canado-américaine.

Steve Shand et Harshkumar Patel sont accusés d’avoir organisé plusieurs traversées illégales de ressortissants indiens du Manitoba vers le Minnesota fin 2021 et début 2022. Ils ont plaidé non coupables des accusations.

Au cours d’une de leurs opérations présumées, une famille de quatre personnes originaires de l’Inde est morte de froid juste au nord de la frontière canado-américaine, lors d’une violente tempête de neige.

Les jurés ont visionné mercredi des textos et des publications sur les médias sociaux envoyés entre deux téléphones portables enregistrés au nom de Steve Shand et un numéro de téléphone qui correspond à celui que Harshkumar Patel avait soumis lorsqu’il avait demandé la résidence aux États-Unis.

Un message envoyé du téléphone de M. Shand en décembre 2021 indique qu’il fait terriblement froid, puis on demande «Ils seront en vie quand ils arriveront ici ?». Sur l’autre téléphone, on répond qu’une position sera envoyée.

Un analyste criminel du département américain de la Sécurité intérieure a montré d’autres messages extraits des relevés téléphoniques ainsi que des dépôts bancaires qui montrent que de l’argent a été déposé sur un compte appartenant à Steve Shand et à sa femme.

Ses avocats ont plaidé que Shand n’était qu’un simple chauffeur de taxi qui ignorait qu’il faisait quoi que ce soit d’illégal jusqu’au jour où la famille indienne est décédée.

Les avocats de Patel ont déclaré qu’il avait été identifié à tort comme participant au trafic d’êtres humains.

La patrouille frontalière américaine a arrêté M. Shand juste au sud de la frontière canadienne le 19 janvier 2022, alors qu’il faisait environ -30 °C avec le facteur éolien. Il conduisait une camionnette avec à bord deux personnes en provenance de l’Inde. Cinq autres migrants ont rapidement émergé d’un champ, l’un d’eux souffrant d’hypothermie grave.

Quelques heures plus tard, la Gendarmerie royale du Canada (GRC) a retrouvé les corps gelés d’une famille —Jagdish Patel, 39 ans, sa femme, Vaishaliben Patel, 37 ans, leur fille de 11 ans, Vihangi, et leur fils de trois ans, Dharmik. Le corps du bambin de trois ans était encore dans les bras de son père.

Les Patel n’avaient aucun lien de parenté avec l’accusé qui porte le même nom de famille, très commun en Inde.

Les messages présentés au tribunal mercredi montrent que Steve Shand a échangé de nombreux messages et appels téléphoniques pendant la nuit et dans la matinée avec le téléphone qui, selon les procureurs, appartenait à son coaccusé.

À 3 h 17 du matin, M. Shand a reçu un message disant: «Tu es coincé ?». La réponse: «Toujours coincé».

Steve Shand a ensuite reçu l’ordre d’allumer et d’éteindre les phares de son véhicule, «pour qu’ils puissent voir» et a ensuite été invité à essayer de conduire plus loin pour trouver des gens. On lui a envoyé une image d’une carte, où la frontière était entourée.

«Tout va bien ?», pouvait-on lire dans un message envoyé à M. Shand à 7 h 33. «Non. Personne pour l’instant.»

Les jurés ont déjà entendu le témoignage de Rajinder Paul Singh, qui dit avoir travaillé comme passeur d’êtres humains pendant huit ans, principalement pour faire traverser des personnes de la frontière entre la Colombie-Britannique et l’État de Washington, pour un homme nommé Fenil Patel, qui n’est pas non plus apparenté aux victimes du Minnesota.

M. Singh a témoigné que Patel lui avait dit qu’il avait reçu un appel téléphonique de la famille indienne qui disait qu’il faisait trop froid pour continuer. Le témoin a déclaré que Patel avait alors dit à la famille de faire demi-tour et qu’il demanderait à quelqu’un de venir les chercher là où ils avaient commencé — mais c’était un mensonge, car il n’y avait personne pour les récupérer en amont.

Les autorités indiennes ont déclaré l’année dernière qu’elles travaillaient à l’extradition de Patel et d’un autre Canadien pour qu’ils soient accusés dans ce pays.

Le témoignage de M. Singh pour la poursuite a été contesté par les avocats de la défense, qui ont suggéré qu’il coopérait dans l’espoir d’un traitement spécial. Rajinder Paul Singh a indiqué au tribunal qu’il avait été condamné à trois reprises pour contrebande et fraude et qu’il risquait d’être expulsé.

«Ce que vous voulez, c’est de ne pas retourner en prison et rester (aux États-Unis)», a soutenu Thomas Plunkett, avocat de Harshkumar Patel.