La prison à domicile pour la conductrice fautive
JUSTICE. Katia Neveu, 38 ans, échappe à la prison derrière les barreaux et devra plutôt purger une peine de deux ans moins un jour dans la communauté pour avoir conduit avec les facultés affaiblies par la drogue et conduit dangereusement. Quatre personnes, dont deux enfants, ont été blessées.
La peine a été rendue le 21 octobre par le juge Stéphane Godri. Durant l’emprisonnement dans la collectivité, l’accusée sera assignée à sa résidence pendant 18 mois et devra respecter un couvre-feu durant le reste de la peine. Elle devra effectuer 100 heures de travaux bénévoles.
Après avoir purgé sa peine, l’accusée sera soumise à une probation de deux ans. Elle devra suivre toute thérapie recommandée concernant la toxicomanie et la gestion des émotions. Elle devra faire 100 autres heures de travaux communautaires pour favoriser sa réhabilitation.
Elle ne pourra conduire de véhicule durant la peine. Par la suite, une interdiction additionnelle de conduire de trois ans s’ajoutera durant laquelle elle ne pourra conduire à moins que sa voiture soit équipée d’un antidémarreur éthylométrique.
La poursuite demandait au juge d’imposer une peine de trois ans d’incarcération et la défense a plaidé pour une peine de détention dans la collectivité.
Conduite dangereuse
Trois véhicules ont été impliqués dans l’accident survenu le dimanche 20 février 2022, à 11h15, sur la route 104, à Sainte-Brigide-d’Iberville. La route était en partie enneigée et des vents forts soufflaient.
Confrontée à un problème personnel, Katia Neveu avait pris du cannabis ce matin-là avant de prendre le volant. Elle était en colère. Elle roulait en direction ouest sur la route 104. Le juge a parlé d’une course folle au cours de laquelle l’accusée a effectué des dépassements téméraires et illégaux. Au quatrième, elle a percuté un camion-citerne de propane arrivant en sens inverse.
Le poids lourd a dévié de sa voie après l’impact et est entré en collision avec le véhicule conduit par un père de famille. Ses deux enfants, âgés de 8 et 12 ans, ont été blessés tout comme leur père ainsi que le conducteur du camion. Les témoins ont décrit l’état de confusion de l’accusée qui priorisait la recherche de ses cigarettes après l’accident. Elle n’a pas subi de blessures importantes, ce qui n’est pas le cas des quatre victimes qui souffrent toujours de blessures physiques et psychologiques.
Blessures
Dans sa décision, le juge a rappelé que le conducteur du camion a souffert d’un traumatisme cérébral. Plus de deux ans et demi plus tard, il a encore des problèmes neurologiques. Il est toujours en arrêt de travail et vit beaucoup d’anxiété, surtout sur la route.
Le père de famille a eu des fractures importantes. Il se déplace encore difficilement. Il risque d’être déclaré inapte au travail. Les enfants ont subi des fractures et sont toujours aux prises avec les conséquences psychologiques de l’accident. Lors des observations sur la peine, la mère des enfants a témoigné des répercussions sur la famille. » J’ai été à même de constater la souffrance et son désarroi toujours présents « , a dit le juge.
Excuses
Quant à l’accusée, elle a transmis des excuses aux victimes, qui semblaient sincères, a mentionné le juge. Elle a expliqué souffrir de dépression depuis longtemps. Elle a reconnu l’inadéquation de ses gestes et éprouve un sentiment de culpabilité.
Le rédacteur du rapport présentenciel est d’avis que la consommation de drogue dans son cas serait un exutoire à son monde affectif carencé. Sa fragilité émotionnelle aurait grandement contribué au passage à l’acte. L’état de l’accusée l’amènerait par moment à agir de façon déraisonnable. Si elle est consciente de ses difficultés, elle tarde cependant à entreprendre les démarches pour y faire face. Le rapport conclut que le risque de récidive est présent.
Le plaidoyer de culpabilité de l’accusée, ses remords et sa collaboration avec les autorités ont été retenus comme facteurs atténuants. La gravité des infractions, la responsabilité entière de l’accusée, les conséquences importantes pour les victimes et le nombre de victimes ont été considérés comme facteurs aggravants.
Le juge a rappelé que la dénonciation et la dissuasion sont des critères importants à prendre en compte dans la détermination de la peine en matière de conduite avec les facultés affaiblies causant la mort ou des lésions. Par ailleurs, l’imposition de la peine est un exercice individualisé, a signalé le juge. La dénonciation et la réinsertion sociale de l’accusée demeurent des objectifs de la peine.
Dans le présent cas, le juge a déterminé qu’une peine de détention de deux ans moins un jour s’appliquait en raison des conséquences sur les victimes. Une peine de durée supérieure aurait empêché le tribunal d’y ajouter une probation pour encadrer l’accusée qui n’est pas criminalisée. Enfin, le juge a évalué que la femme était en mesure de se conformer aux conditions d’une peine purgée dans la collectivité.