Les producteurs laitiers prennent la rue

AGRICULTURE. Les producteurs laitiers de la Montérégie en ont gros sur le cœur. Ces derniers, mécontents de ce que leur réserve l’entente sur le Partenariat transpacifique (PTP), réclament un contrôle des produits laitiers traversant la frontière. Se glissant derrière le volant de leur machinerie agricole, ils ont emprunté la route 133 pour rouler jusqu’au poste frontalier de Philipsburg en mi-journée mercredi.

Des dizaines de tracteurs et de camions formaient un cortège circulant à basse vitesse et s’étendant sur près de dix kilomètres, dans lequel s’entremêlaient d’autres usagers de la route. Certains étaient venus d’aussi loin qu’Acton Vale et Sorel. Le groupe prenait le départ à Pike River.

Les protestataires étaient attendus à quelques pas du poste frontalier. Tous étaient réunis pour réclamer un meilleur contrôle des frontières. Le PTP permet au Canada d’importer une quantité équivalant à 3,25% de sa production laitière. En guise de compensation, le gouvernement Harper a prévu une enveloppe de 4,3G $ destinée aux agriculteurs affectés par cette nouvelle vague de produits.       

Une deuxième brèche?

Certains voient dans cette entente une menace pour les fermes familiales et craignent que le système de gestion de l’offre ne soit ébranlé pour une deuxième fois, après l’accord avec l’Union européenne sur l’importation de fromages, signé il y a un peu plus d’un an.   

Les fermes laitières pourraient avoir à diminuer leur production de lait dès le jour 1 de l’application du PTP, mais ils appréhendent que leur niveau d’endettement reste le même.

«Nous devons donner le ton pour conserver nos acquis. J’espère que notre message sera entendu pour que nos jeunes et nos générations futures puissent bien vivre de la production laitière», témoignait Yvon Boucher, président des producteurs de lait de la Montérégie-Est, aux agriculteurs réunis en bordure de route.  

«Nous on souhaite que ça reste comme c’était», mentionnait une productrice laitière de Pike River croisée sur place.

Des normes qui diffèrent

Ces derniers redoutent également la qualité des produits du lait entrant au pays. Leurs inquiétudes concernent notamment les protéines laitières provenant des États-Unis et dont certaines composent les produits laitiers que l’on retrouve en épicerie. La somatotropine bovine (STB) est une hormone de croissance favorisant la production laitière et dont l’usage n’est pas encadré chez nos voisins du Sud, tandis qu’elle demeure interdite au Canada.  

«De l’autre côté de la frontière, il y a des centaines de milliers de vaches qui sont piquées chaque jour pour qu’elles produisent plus de lait. Rendus ici, les produits sont mélangés et on ne sait plus lequel est lequel. Prenez 100% de notre lait», protestait Chantal Clément, qui possède une ferme laitière à Saint-Paul-d’Abbotsford.   

Un chèque de paie diminué

Les règles du jeu doivent être les mêmes pour tout le monde, argue Pierre Lemieux, premier vice-président de l’UPA. «On veut des engagements des partis politiques. Il faut resserrer les contrôles faits aux frontières, et assurer la réciprocité des normes. Il faudra aussi être clair sur la question de l’étiquetage. Les jeunes croient au système de gestion de l’offre et notre gouvernement doit respecter les entreprises agricoles.»

Le ministre de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation Pierre Paradis était sur place. Il avait annoncé sa présence ce matin même, à la grande surprise des organisateurs. «La situation n’est pas rose pour les producteurs qui oeuvrent sous la gestion de l’offre, particulièrement pour les fermes familiales en production laitière, observait-il.

Le chèque de paie a été diminué de 1000$ par semaine depuis le début de l’année. Il n’y a pas beaucoup de familles qui peuvent vivre avec une telle diminution et si vous êtes dans la relève, ça ne vous encourage pas.»      

Le député de Brome-Missisquoi estime qu’il reste encore beaucoup à faire pour que les intérêts de tous soient considérés. «Les compensations annoncées ne tiennent pas compte de la situation distincte du Québec. Elles doivent être révisées et elles doivent refléter la réalité de la ferme familiale québécoise.»    

Le Canada compte 12 500 fermes laitières. Près de la moitié d’entre elles sont installées au Québec.