La société mère de Northvolt se place sous la protection de la loi aux États-Unis

MONTRÉAL — La société mère de Northvolt s’est placée sous la protection de la loi américaine sur les faillites. Même si ce processus ne mettrait pas en péril le projet du fabricant de batteries au Québec, selon l’entreprise, il est possible que les Québécois perdent les centaines de millions de dollars qui ont été investis dans la société mère.

Northvolt AB et certaines de ses filiales ont déposé une demande pour être placées sous la protection du chapitre 11 de la loi sur les faillites des États-Unis, jeudi.

«Je suis l’un des cofondateurs de l’entreprise, et bien attendu, c’est un passage que l’on ne souhaite pas voir dans sa carrière d’entrepreneur. Cela dit, c’est la réalité et le conseil d’administration a jugé que c’était la voie la plus responsable pour assurer le futur de l’entreprise», a réagi Paolo Cerruti, PDG de Northvolt Amérique du Nord, dans une entrevue avec La Presse Canadienne.

«Ça ne concerne que la filiale suédoise, ce qui est un gros morceau, mais ça ne concerne pas le projet canadien» et «nous continuons à opérer comme comme auparavant, mais c’est clair que c’est une journée intense», a ajouté M. Cerruti.

L’usine de Northvolt qui doit être construite à Saint-Basile-le-Grand et McMasterville est un projet de 7 milliards $ dans lequel Québec et Ottawa se sont engagés à investir 2,4 milliards $.

Des centaines de millions à risque

«Ce n’était pas le scénario souhaité, personne ne le cache, on aurait aimé que ça procède autrement», a réagi la ministre de l’Économie, Christine Fréchette, lors d’un point de presse jeudi après-midi.

Le gouvernement du Québec a accordé à Northvolt un prêt garanti de 240 millions $ pour l’aider à acheter le terrain à une trentaine de kilomètres à l’est de Montréal.

Le gouvernement a également investi 270 millions $ dans la société mère Northvolt AB.

«S’il y a un montant à risque, c’est celui-là», a indiqué la ministre Fréchette, en précisant que c’est au terme du processus de restructuration de la maison-mère «qu’on va avoir une idée de l’avenir de ce montant-là».

Elle a ajouté que le gouvernement fera «des représentations pour faire en sorte d’aller récupérer la part des actifs qu’il sera possible de récupérer dans le contrat».

La Caisse de dépôt et placement du Québec a aussi investi 200 millions $ dans la société suédoise, une somme sur laquelle la ministre ne s’est pas prononcée.

Mme Fréchette a expliqué que le projet de construction de l’usine de batteries en Montérégie «demeure en activité, avec des liquidités suffisantes pour assurer le roulement des activités pour au moins 18 mois».

Elle a précisé que Québec a le pouvoir d’autoriser «les sorties de fonds» de ce compte qui assure la poursuite des travaux et qui contient «quelques centaines de millions».

Christine Fréchette a indiqué «qu’on ne mettra pas de nouvelles sommes autres que celles prévues» et que certaines conditions devront être respectées par Northvolt pour avoir accès à ces montants d’argent.

«Par exemple, il faudrait qu’il y ait une mise à jour du plan d’affaires qui inclura les projections financières de Northvolt. Il faudrait également qu’il y ait un carnet de commandes suffisant qui soit mis de l’avant.»

Tout nu sur la plage

Après la conférence de presse de la ministre, le député péquiste Pascal Bérubé a qualifié les investissements du gouvernement dans Northvolt de «dépenses frivoles» et il a accusé le gouvernement d’avoir manqué de transparence depuis le début de la saga Northvolt.

«C’est facile de prétendre bien des choses quand la marée est haute, mais c’est lorsque la mer se retire que l’on voit qui porte un maillot ou pas», a indiqué le péquiste en paraphrasant l’investisseur américain Warren Buffet.

«Le gouvernement de la CAQ se retrouve tout nu sur la plage», a-t-il ajouté, en citant cette fois-ci le groupe de musique Les Trois Accords.

Un projet inchangé, selon le PDG

Le projet de Northvolt au Québec comportait initialement trois volets, soit la fabrication de cellules, de cathodes et le recyclage de batteries, et Paolo Cerruti a expliqué que ce plan n’avait pas changé.

«Je ne vois pas aujourd’hui de raison de penser qu’on ne le fera pas, tel que prévu», a-t-il indiqué en entrevue.

Celui qui est à la tête du projet de méga-usine de batteries en Montérégie a expliqué «que l’activité sur le site est quotidienne et très intense et qu’il y a des camions à tous les jours et à peu près 150 personnes qui travaillent».

De sérieuses difficultés financières

En septembre, la maison mère de Northvolt avait annoncé le congédiement de 1600 employés en Suède, soit le cinquième de sa main-d’œuvre, illustrant les difficultés financières auxquelles la société fait face.

Récemment, l’entreprise a également vendu son site à Borlänge en Suède, où elle devait construire une usine de matériaux de cathodes, la borne positive d’une batterie.

Dans un communiqué publié jeudi, la société mère de Northvolt a écrit qu’elle «continuera de fonctionner comme d’habitude pendant la réorganisation, à l’instar d’autres sociétés internationales qui ont utilisé le processus du Chapitre 11 pour réorganiser leurs obligations financières».

Il est également indiqué que la protection du chapitre 11 de la loi sur les faillites des États-Unis n’empêche pas l’entreprise d’accéder à de nouvelles sources de financement.

Tom Johnstone, président par intérim du conseil d’administration, a déclaré que «malgré les défis à court terme, cette action visant à renforcer notre structure de capital nous permettra de capter la demande continue du marché pour l’électrification des véhicules».

Il a ajouté que l’entreprise est «ravie du soutien solide que nous avons reçu de nos prêteurs existants et de nos clients».