Un recours demande que le lac Winnipeg soit légalement défini comme une personne

EDMONTON — Un tribunal a été invité à déclarer le lac Winnipeg comme une personne avec des droits constitutionnels à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne dans une affaire qui pourrait aller plus loin que toute autre pour tenter d’établir les droits de la nature au Canada.

«C’est vraiment aussi simple que cela, a déclaré le grand chef Jerry Daniels de la Manitoba Southern Chiefs’ Organization, qui a déposé la plainte jeudi devant la Cour du Banc du Roi à Winnipeg. Le lac a ses propres droits. Le lac est un être vivant.»

L’argument est utilisé pour aider à forcer le gouvernement provincial à mener une évaluation environnementale sur la façon dont Manitoba Hydro régule les niveaux du lac pour la production d’électricité. Ces licences doivent être renouvelées en août 2026, et les chefs soutiennent que le processus en vertu duquel ces licences ont été accordées était obsolète et inadéquat.

Ils citent la Commission de protection de l’environnement du Manitoba, qui a déclaré en 2015 que les licences avaient été accordées sur la base de données scientifiques médiocres, de consultations médiocres et d’une mauvaise responsabilité publique.

Dans le même temps, la déclaration de réclamation indique que «les plaignants décrivent l’état actuel du lac comme étant si malade qu’elle est en train de mourir».

Elle décrit une longue liste de symptômes.

Des espèces de poissons ont disparu, ont décliné, ont migré ou sont devenues malades et immangeables, indique la plainte. Les oiseaux et la faune, notamment les rats musqués, les castors, les canards, les oies, les aigles et les mouettes, disparaissent des zones humides du lac.

Les aliments et les médicaments traditionnels – le hareng, le jonc, la quenouille, l’esturgeon et le riz sauvage – sont de plus en plus difficiles à trouver, indique le document, et les proliférations d’algues et les niveaux de bactéries E. coli ont augmenté.

Les espèces invasives, notamment les moules zébrées et les puces d’eau épineuses, sont désormais courantes, ajoute le document.

«En langue anishinaabemowin, les plaignants qualifient l’eau du lac Winnipeg de moowaakamiim (l’eau est pleine d’excréments) ou de wiinaagamin (l’eau est polluée, sale et pleine d’ordures)», peut-on lire dans la poursuite.

Elle impute de nombreux problèmes à la gestion des eaux du lac par Manitoba Hydro pour l’empêcher de se purifier chaque année.

«Le lac est incapable de suivre son cycle de purification naturel, il stagne et a du mal à subvenir aux besoins d’autres êtres comme les animaux, les oiseaux, les poissons, les plantes et les humains», explique le document.

Les défendeurs, Manitoba Hydro et le gouvernement provincial n’ont pas déposé de défense. Tous deux ont refusé de commenter la poursuite.

Une bataille qui s’annonce difficile

M. Daniels a soutenu qu’il était logique de considérer le vaste lac, l’un des plus grands du monde, comme vivant.

«Nous vivons à une époque de réconciliation, les mentalités des Canadiens ordinaires ont énormément changé et la science a beaucoup progressé dans sa compréhension. Il n’est pas difficile de comprendre le lac comme une entité vivante.» Cette idée est présente dans la science occidentale depuis les années 1970. L’hypothèse Gaïa, qui reste très controversée, propose que la Terre soit un organisme unique doté de ses propres boucles de rétroaction qui régulent les conditions et les rendent favorables à la vie.

Les tribunaux reconnaissent déjà les entités non humaines telles que les entreprises comme des personnes.

La personnalité juridique a également été revendiquée pour deux rivières canadiennes.

La Première Nation Innu du Québec a revendiqué ce statut pour la rivière Magpie, et la Première Nation Athabasca Chipewyan, en Alberta, cherche à obtenir le statut de personne juridique pour la rivière Athabasca lors d’audiences réglementaires. Le statut de la rivière Magpie n’a pas encore été présenté devant les tribunaux et le régulateur de l’énergie de l’Alberta n’a pas encore statué sur l’Athabasca.

Matt Hulse, un avocat qui a soutenu que la rivière Athabasca devrait être traitée comme une personne, a noté que le procès du Manitoba cite l’utilisation de «chacun» dans la Charte des droits et libertés.

«Le terme ‘chacun’ n’est pas défini, ce qui pourrait aider (les chefs)», a-t-il noté.

Mais la Charte se concentre généralement sur les droits individuels, a ajouté Me Hulse.

«Ce qu’ils demandent, ce sont des droits substantiels à accorder à un lac. Que signifie la ‘liberté’ pour un lac? Ce genre de cas nécessite un changement de paradigme. Je pense que la Southern Chiefs’ Organization devra faire face à une bataille difficile.»

L’avocat a indiqué que l’affaire du Manitoba va plus loin que toutes celles qu’il connaît dans la recherche de droits légaux pour un environnement spécifique.

Le grand chef Jerry Daniels a confié qu’il croit que les tribunaux et les Canadiens sont prêts à reconnaître que les humains ne sont pas séparés du monde dans lequel ils vivent et que la loi devrait le reconnaître.

«Nous devons comprendre nos lacs et notre environnement comme quelque chose avec lequel nous devons vivre en cohésion.»